Dans la transition, tout ne se vaut pas au même moment. L’État s’est doté d’une « valeur de référence » qui donne un ordre d’idée de ce que la société est prête à investir pour éviter une tonne de CO₂ : 256 € en 2025, sur une trajectoire croissante jusqu’à 2050. Dit simplement, si une action coûte moins que ce repère pour l’effet climatique qu’elle produit, elle mérite d’être priorisée. Cette boussole évite de repousser les efforts et aide à organiser les investissements au bon rythme vers l’objectif 2030-2050. À la lumière de ce repère, plusieurs chantiers « qui paient tout de suite » ressortent nettement. Dans le bâtiment, traiter la grande majorité des passoires énergétiques (isolation + changement du chauffage) apporte des bénéfices immédiats sur la facture, la santé et le confort d’été comme d’hiver. Dans beaucoup de logements et dans le tertiaire, moderniser vers des systèmes performants (par exemple des pompes à chaleur) devient pertinent une fois l’enveloppe améliorée. Côté mobilité, le passage aux voitures 100 % électriques est déjà jugé avantageux pour la collectivité.
Certaines options restent aujourd’hui plus onéreuses que la valeur de référence. C’est le cas, en moyenne, des biocarburants et du biométhane, dont les surcoûts actuels dépassent encore le repère public ; ils ont donc un rôle d’appoint à calibrer avec prudence, notamment pour les usages difficiles à électrifier. Le bois-énergie pose, lui, des questions spécifiques (compte tenu du puits forestier et des conventions de comptabilité), qui recommandent d’avancer avec mesure. En parallèle, le système énergétique doit monter en puissance pour accompagner l’électrification (chauffage, mobilité) : produire davantage d’électricité bas carbone (nucléaire et renouvelables) et préparer des solutions de flexibilité. À moyen terme, l’hydrogène pourra aider à équilibrer le réseau lorsqu’il est produit lors des périodes d’excédent électrique ; mais ce levier relève d’un calendrier plus lointain. Autrement dit, il faut renforcer dès maintenant les fondations (sobriété, efficacité, production électrique), tout en gardant un œil sur les options qui deviendront utiles demain. Au quotidien, l’arbitrage tient en trois règles simples : 1) commencer par les actions « gagnantes dès aujourd’hui » (rénovation de l’enveloppe, équipements sobres, mobilité électrique) ; 2) éviter de s’enfermer longtemps avec des solutions mal dimensionnées (remplacer les systèmes après isolation, pas avant) ; 3) réserver les technologies encore chères aux usages où elles sont indispensables, en les testant et en les faisant monter en échelle pour que leurs coûts baissent au fil du temps. Cette stratégie s’appuie sur un mélange d’outils publics — prix du carbone, normes, aides — dosés pour déclencher ce qui est utile maintenant, sans créer d’effets de bord sociaux ou économiques.
Pour les ménages et les bailleurs, cela se traduit par une feuille de route lisible : traiter l’enveloppe, choisir des systèmes adaptés, piloter/ventiler pour pérenniser les gains ; puis, seulement ensuite, regarder les solutions plus pointues au bon moment. Les diagnostiqueurs peuvent objectiver ces choix, chiffrer les gains réels et bâtir un plan par étapes qui réduit les émissions sans dérapage budgétaire — et sans dévier de la trajectoire 2030-2050.