Les copropriétés françaises traversent une période difficile. Selon un rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur la paupérisation des copropriétés, environ 220 000 copropriétés, sur les 880 000 recensées en France, sont en grande difficulté. Ce chiffre alarmant, révélé par la sénatrice Amel Gacquerre, met en évidence une augmentation significative des copropriétés en détresse financière, où les impayés dépassent 20 % du budget annuel. Cela concerne environ 10 millions de logements, touchant de nombreuses familles à travers le pays. Les petites copropriétés, définies comme celles comptant moins de 12 logements, sont particulièrement vulnérables. Ce phénomène est encore plus marqué en Île-de-France, où près de la moitié des logements jugés « indignes » se trouvent en copropriété, selon les chiffres de l’Agence nationale de l’habitat (Anah).
Comment en est-on arrivé là ? Les causes sont multiples, souligne le rapport sénatorial. Contrairement aux idées reçues, une copropriété ne naît pas fragile, elle le devient. Le vieillissement du bâti est l’un des principaux facteurs de dégradation. Les immeubles construits durant les Trente Glorieuses, notamment dans les grands ensembles ou les quartiers en périphérie, nécessitent aujourd’hui des travaux de rénovation lourds et coûteux. De nombreux immeubles sont par ailleurs habités par des propriétaires modestes, souvent âgés, qui peinent à financer ces travaux. À cela s’ajoute un autre problème : l’éloignement des investisseurs. Les copropriétés issues de programmes de défiscalisation, souvent vendues à des investisseurs non-résidents, subissent un manque de suivi. Ces propriétaires, moins impliqués dans la gestion quotidienne, laissent parfois leur bien se dégrader, ce qui peut entraîner des conflits au sein des assemblées générales.
Enfin, la hausse continue des charges de copropriété, liée à l’augmentation des coûts de l’énergie et aux nouvelles normes de rénovation énergétique, aggrave la situation. Le rapport souligne qu’environ un million de copropriétaires disposent de revenus modestes à très modestes, rendant tout investissement supplémentaire complexe.
Les difficultés financières des copropriétés créent un effet boule de neige. À mesure que les impayés s’accumulent, la qualité de l’entretien se détériore. Les organes de gestion (syndics, conseils syndicaux) se retrouvent bloqués et incapables de faire face à la situation. La dévalorisation des biens est alors inévitable, ce qui attire des populations plus précaires. Ces dernières, parfois moins respectueuses des obligations de copropriétaires, contribuent à une nouvelle dégradation. Dans certains cas, la situation attire également des marchands de sommeil, qui exploitent ces habitats en état de délabrement, les louant à des prix exorbitants à des personnes en grande précarité. Ces immeubles peuvent même devenir des lieux de trafics, aggravant encore l’insécurité et la dévalorisation.
Pour freiner cette spirale infernale, les sénateurs proposent plusieurs mesures. Ils recommandent de mieux repérer et prévenir les situations à risque, notamment en introduisant des sanctions renforcées contre les marchands de sommeil. La mensualisation des charges de copropriété est également évoquée pour limiter les impayés. Aujourd’hui, les charges sont généralement payées par trimestre, dans un délai qui alourdit les dettes en cas de difficultés.
Le rapport suggère enfin de restreindre le droit de vote en assemblée générale pour les copropriétaires qui accumulent volontairement les retards de paiement. Ces mesures, si elles sont adoptées, pourraient constituer un premier pas vers la stabilisation et la revitalisation des copropriétés en détresse.